En dire plus que les mots ne le peuvent
Un jour, il y a cinq ans, Dotan Negrin, pianiste autodidacte new-yorkais, en a eu marre de la routine quotidienne, et de travailler pour atteindre les buts des autres. Il a décidé de prendre la route avec son piano, de jouer pour les gens, d’abord en Amérique, puis aux quatre coins du monde. C’est le projet « Piano Around the World », une démarche très personnelle dont le but est de promouvoir le « langage de la musique ». Rencontre.
Roaditude – Dotan, nous vous connaissons mal. Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Dotan Negrin – Je m’appelle Dotan Negrin et, durant ces 5 dernières années, j’ai voyagé à travers le monde avec mon piano. J’ai visité plus de 400 villes, plus de 21 pays, et j’ai rencontré des milliers de personnes chemin faisant.
Où avez-vous joué aujourd’hui (17 avril 2016) ?
En ce moment, je suis à Austin, Texas. J’ai joué hier, mais la météo est mauvaise depuis mon arrivée. Je pars demain pour la Nouvelle Orléans. Mon projet, pour cette année, a été de quitter New-York pour l’hiver. La neige et le froid rendent la vie difficile pour moi, et la pratique du piano, impossible. Donc, j’ai quitté la côte Est en janvier, et ai passé 2 mois et demi à Los Angeles. J’ai joué du piano dans tous les coins là-bas, j’y ai vécu de grandes expériences. J’ai quitté L.-A. il y a douze jours, et mon but est de retourner à New-York. Ma vie idéale, c’est pouvoir vivre dans différentes parties du monde chaque année, en faisant ce que j’aime pour gagner ma vie.
Expliquez-nous le projet « Piano Around the World » ?
Au début, ce projet était limité à l’Amérique. Il a débuté comme un projet passion. J’en avais marre de la vie à New-York, et du train-train du travail. J’étais fatigué de vivre ma vie pour les autres et de travailler pour atteindre les buts des autres. Je me suis demandé quelle serait ma vie idéale, et j’ai compris que mon rêve était de pouvoir voyager à travers le monde en faisant ce que j’aime : jouer de la musique, me produire et rencontrer des gens.
Alors j’ai quitté la maison et j’ai vécu dans un camion. Ca a été une expérience incroyable pour moi et je suis tombé amoureux de ce mode de vie. Mon projet a évolué avec le temps. Je me suis amélioré au piano, j’ai développé énormément de nouvelles compétences, et eu des expériences que la plupart des gens n’ont pas. Je dis aux gens que j’ai eu un diplôme en art de vivre durant ces cinq dernières années car je n’ai jamais autant appris à aucun moment de ma vie. Outre le piano, j’ai appris l’espagnol, la production de vidéo et l’édition, le marketing et les relations publiques, la photographie,…
Aujourd’hui, mon projet évolue de plus en plus vers une sorte de série télévisée en ligne. J’ai des idées pour utiliser cette série dans un but pédagogique, pour pousser les gens à apprendre le langage de la musique.
Quel est votre culture musicale, et quel type de musique jouez-vous sur votre piano ?
Je n’ai pas fait d’école de piano. En fait, je n’ai pas fait de piano avant mes 19 ans. Je suis tombé amoureux de la musique pour sa capacité à faire ressentir des émotions aux gens sans aucun mot. Je joue beaucoup de styles différents. Mais mes racines sont le jazz. C’est le jazz qui m’a inspiré à mes débuts. J’aime la liberté de pouvoir être capable d’explorer les endroits vers lesquels la musique me porte, et c’est avec la même liberté que j’explore la vie. C’est une question de confiance et d’acceptation des cartes que l’on a en mains pour avancer. La musique, c’est du sentiment et de l’émotion, et quand vous pouvez en tirer parti à l’intérieur de vous-même, vous pouvez créer des choses incroyables, et dire plus que les mots ne le peuvent. Je joue également parfois de la pop et du rock, un petit peu de classique, selon mon sentiment du moment.
Durant votre voyage, nous pouvons imaginer que vous avez rencontré beaucoup de personnes parlant le français… Vous-même, parlez-vous français ? Que pensez-vous de cette langue, de cette culture ?
Oui, en effet, j’en ai rencontré beaucoup partout où je suis allé. C’est une langue que je ne parle pas, mais j’aime ses sonorités et adorerais l’apprendre. J’aime également la culture française. Il me semble que les Européens sont plus intéressés à s’exprimer à travers les arts et la musique. J’adorerais retourner en France et faire quelques concerts dans de magnifiques endroits. Je parle l’espagnol, que j’ai appris en voyageant en Amérique latine, et l’Hébreu, une langue que j’ai apprise de ma mère.
Nous avons été séduits par toutes ces photos de vous prises sur différentes routes du monde, avec votre piano. Qu’est-ce que la notion de route signifie pour vous ?
Pour moi, la route, c’est la liberté. Je crois que nous avons tous une mission dans la vie. Mais parfois nous sommes distraits et forcés de se sacrifier pour le destin des autres, ou alors nous vivons une vie qui imite celle des personnages que nous voyons dans les films. La télévision et la musique. Ce n’est pas nous. Pour moi, la route a été un moyen d’échapper à ces distractions et de vivre une vie qui suit un chemin vrai, c’est-à-dire un chemin fait pour moi et pour personne d’autre.
Vous avez emprunté de nombreuses routes. Quelle est votre favorite ?
C’est une question difficile… Il y en a une, au Nouveau Mexique, qui sans doute est ma favorite. Elle se trouve dans une région de désolation. Un endroit que la plupart des gens n’ont pas envie de travers. Mais là-bas vous pouvez avoir la pure expérience du silence et ressentir ce que c’est d’être loin de toutes ces machines et de tous ces bruits de voitures et de camions que l’on entend en ville. C’est un très beau sentiment. Là-bas, la nuit, les étoiles sont incroyables. Il n’y a rien à proximité, seuls les champs où le bétail est élevé.
Quels sont vos plans pour ces prochains mois ?
J’ai envie de prendre une petit pause car voyager en poussant un piano est très fatigant. Je vais passer quelques mois à New-York et travailler sur ma chaîne Youtube. Je veux la développer d’une manière qui inspire les gens et les fasse apprendre le langage de la musique. Je crois que si tout le monde parlait le langage de la musique, notre monde serait différent. Je suis également sur le point de terminer un album avec des compositions personnelles.
Pour en savoir plus sur le projet “Piano around the World”, et pour suivre le périple de Dotan Negrin, visitez le site Internet www.pianoaround.com.
(Interview : Laurent Pittet / Crédits photo : Dotan Negrin)