Gloria Steinem, une militante féministe sur la route

Journaliste, infatigable militante féministe, co-fondatrice du magazine Ms, Gloria Steinem se bat depuis des décennies pour les droits des femmes, les droits civiques aux États-Unis. Dans son autobiographie qui vient d’être traduite en français, cette icône de la cause féministe, qui se présente comme une « organisatrice féministe itinérante », revient sur soixante ans de combats, années durant lesquelles elle n’a cessé de sillonner l’Amérique afin d’aller à la rencontre des femmes, d’organiser des meetings, des manifestations, des marches.

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Afin de faire bouger les esprits, les mentalités, elle a traversé les cinquante États américains, en camion, en voiture, en avion. Le nomadisme géographique qui caractérise sa vie exprime un nomadisme de pensée. « Cela fait plus de quarante ans que je passe la moitié de mon temps sur la route (…) Je sais que pour moi la route est permanente et l’installation, provisoire. C’est le voyage qui a créé ma vie sédentaire et non l’inverse ».

Cette globetrotteuse militante (qui ne conduit pas, n’a pas de permis) aparcouru la côte Est, la côte Ouest, les États du Nord, du Sud afin de faireprogresser les droits des femmes, luttant aux côtés des Amérindiennes, desNoires, d’activistes afro-féministes, en faveur de l’avortement, de lacommunauté gay et lesbienne, des prisonniers. Très tôt, elle articula toutesles luttes entre elles, dans une pratique intersectionnelle.

Gloria Steinem, photographiée par Annie Leibovitz en 2010

Gloria Steinem, photographiée par Annie Leibovitz en 2010

Passion de la route

ADN du trip, de la migration… Sa passion de la route, de l’itinérance lui vient de son père, éternel voyageur souffrant de l’affection « horreur du domicile ». « La route, je suis tombée dedans quand j’étais petite. Mon père ne semblait se satisfaire d’une vie sédentaire que quelques mois par an ». Là où ce dernier voyageait en solitaire, épris d’ailleurs, elle fait de la route le lieu du partage, des échanges. Interstates 4, 8, 15, 39, 41, 71, 90 et toutes les autres, Routes 2, 7, 10, 24, 40, 70, 98 etc., routes qui relient la Caroline du Nord à Tennessee, l’Utah au Wyoming, la Californie au Nevada, l’Iowa au Minnesota, route des Badlands afin de rencontrer des femmes Sioux Lakotas… Gloria Steinem les a toutes empruntées.

Pour lutter contre les inégalités des droits, contre lesdiscriminations des minorités, il faut recueillir, écouter, relayer la paroledes femmes, des exclus en privilégiant un activisme militant qui passe par lesrencontres physiques, non par la toile, le virtuel.

Voyage mental

L’évasion, le voyage sur la route vont de pair avec un voyage mental, avec un esprit qui se remet en question, une mentalité non sédentaire, ouverte aux différences. Comme l’écrit Christiane Taubira dans sa préface, « Gloria fait du voyage un mode de vie qui, presque à son insu, s’est installé comme un art de vivre (…) Ses voyages sont horizontaux à travers l’espace, ils sont verticaux à travers l’Histoire, culturels entre les communautés et les traces vives ou souterraines provenant des confrontations autant que des dialogues  (…) Voyager, bouger le corps, secouer l’esprit, déchirer les toiles d’araignée que favorise l’immobilisme. ». La route du féminisme passe par les milliers de kilomètres de bitume qu’elle a parcourus. La route incarne la liberté qu’elle défend au niveau des droits civiques. Traduite en une philosophie de la route, sa passion de l’itinérance se nourrit d’une pensée du changement, d’une foi dans la justice. En sus d’être géographique, la route est politique.


Gloria Steinem, Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe, Préface de Christiane Taubira, trad. de Karine Lalechère, éditions Harper Collins, 2019.

(Texte : Véronique Bergen, Bruxelles, Belgique / Crédit photo : éditions Harper Collins, Annie Leibovitz)