Cinquante-neuf parcs naturels

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Durant sept mois, au volant de leur van, les photographes de voyage Renée et Matthew Hahnel ont sillonné les parcs nationaux américains, parcourant quarante mille kilomètres, traversant trente-neuf Etats. Leur périple dans les grands espaces, leur découverte de cinquante-neuf parcs naturels ont donné lieu au récit de voyage de leur road trip, un récit rythmé par près de trois cents photographies à couper le souffle.

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Alliant guide pratique et journal de bord, le souffle de l’aventure qui porte l’ouvrage se place sous le signe d’une éthique du voyage, d’un appel à un tourisme responsable, respectueux de l’environnement. Qu’ils soient célèbres ou moins fréquentés, le Yosemite National Park, le Yellowstone, le Grand Canyon, le Joshua Tree… constituent d’impressionnantes réserves naturelles, des joyaux sauvages abritant une faune et une flore d’une richesse exceptionnelle. Le road trip entrepris par Renée et Matthew Hahnel s’intègre dans une vision environnementale soucieuse de promouvoir un rapport respectueux aux formes de vie sauvage. Cela implique d’éviter les impacts négatifs de la présence humaine, de ne pas polluer, de ne pas laisser de déchets, de ne pas perturber les écosystèmes. Leur odyssée a pour origine l’amour porté à la nature, aux grands espaces soustraits à la mainmise de l’humain.

A bord d’un van

C’est à bord d’un van, Ruby, un Vanagon Westphalia, qu’en 2017, ils traversent les grands parcs de l’Ouest américain, visitent trente-neuf Etats, avant d’atteindre l’océan Pacifique et Hawaï. Les formations rocheuses impressionnantes de l’Arches National Park en Utah, le décor désertique des montagnes sauvages du Big Ben au Texas (terre aride où les astronautes ont fait, il y a près de soixante ans, plusieurs excursions afin de se préparer à l’alunissage), les levers et couchers de soleil sur la Death Valley, sur le Grand Canyon, sur les « cheminées de fée », immenses colonnes de calcaire rouge-orange composant le Bryce Canyon,  les routes panoramiques au milieu de paysages formés par l’érosion, les photographies de merveilles géologiques, de monolithes gigantesques dans le Capitol Reef en Utah, terre des Mormons, délivrent la philosophie en acte d’une nouvelle alliance avec la nature, l’amour de ses splendeurs appelant à protéger ces dernières, à les préserver pour elles-mêmes et en elles-mêmes, pour la faune, le flore qui y vivent et non pour les bienfaits que leur sauvegarde procure aux humains.

Le road trip de Renée et Matthew Hahnel engage une rupture avec les fondamentaux de la vie citadine, la quête d’un ressourcement dans la nature, un apprivoisement de ses rythmes, de sa complexité. La traversée du Zion, du Sequoia National Park, du Hot Springs, du Rocky Mountains, du Theodore Roosevelt, des nombreux parcs nationaux d’Alaska, des parcs quasi-aquatiques se singularise par la diversité extrême des paysages, des climats, des reliefs, des animaux, de la végétation. Doté d’un écosystème unique, l’Everglades National Park en Floride regorge d’alligators, d’échassiers. La beauté qui irradie des glaciers, des forêts pluviales, des montagnes du Glacier Bay en Alaska comme celle des autres sites millénaires vient de leur préservation absolue, de leur évolution naturelle soustraite à l’empreinte de l’humain. Au Great Basin, dans le Nevada, se trouve un pin Bristlecone, considéré comme le plus ancien organisme vivant du monde, âgé de plus de cinq mille ans. La Highway 62 et la 180 traversent les paysages de pics rocheux, de canyons du Guadelupe Mountains ; la célèbre route 66 s’engage dans le Petrified Forest en Arizona, un parc dont les troncs d’arbres fossilisés, les bois pétrifiés témoignent de l’existence d’une forêt il y a deux cent millions d’années. En voyageant dans l’espace des parcs américains, on voyage dans le temps, en direction d’ères géologiques qui se sont formées alors que l’homo sapiens n’avait pas encore fait son apparition, on s’enfonce dans un monde qui porte les traces de convulsions volcaniques, d’éruptions de lave, de rivières creusant des gorges, de phénomènes telluriques, géothermiques ayant permis la formation d’organismes vivants, végétation, arbres, insectes, reptiles, mammifères.

Temples de la nature

Lorsqu’ils évoquent le Yosemite National Park, les auteurs cèdent la parole à John Muir (1838-1914). Ecrivain américain, naturaliste, militant défendant la protection de la nature, inspirateur du mouvement écologiste, John Muir décrivait Yosemite en ces termes : « c’est de loin le plus grand de tous les temples remarquables de la nature ». Dans les années 1880, il mettait en garde contre les effets délétères de la déforestation, s’inquiétait de la menace qui pesait sur les terres de Yosemite, à savoir leur transformation en pâturages. Des actions écocides qui, cent quarante ans plus tard, dévastent l’Amazonie, l’Afrique et les autres continents. Partisan d’une conservation de la nature, John Muir s’opposera à sa commercialisation et à son exploitation effrénée dont nous payons le prix aujourd’hui.

Présentation de chaque parc national, guide d’itinéraires, conseils pratiques pour vivre dans un van aménagé, photographies de paysages d’une incomparable beauté font de cet ouvrage un catalyseur d’imaginaire, une invitation au voyage, « là [où] tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté » comme l’écrit Baudelaire dans son poème éponyme.


Renée et Matthew Hahnel, Road trip dans les parcs américains, trad. Hélène Borraz, Collection Gallimard Voyage, Gallimard Loisirs, Paris, 2020.

(Texte: Véronique Bergen, Bruxelles, Belgique / Crédits photo : Renée et Matthew Hahnel, Gallimard)