Libérer au maximum l’expérience de la course

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Depuis le 22 avril, le Classics Challenge propose de revivre les sensations des courses cyclistes historiques au départ de Paris. Un événement qui allie gratuité et contemporanéité des réseaux. Et qui fait la part belles aux sensations, à l’histoire, à l’expérience partagée et à la fraternité.

Lorsque nous avons, pour la première fois, rencontré François Paoletti, c’était à la sortie de son livre Eddy. Ma saison des classiques en version 1973, véritable déclaration d’amour à la légende Merckx et au patrimoine des routes qui ont fait l’histoire du cyclisme. Depuis, l’auteur a sorti un autre livre, Monuments du cyclisme, ode aux grandes classiques : Paris-Roubaix et ses pavés, le Poggio de Milan-Sanremo, les monts du Tour des Flandres, les cols du Tour de Lombardie. Mais dans le vélo comme souvent ailleurs, l’histoire ne s’écrit pas que dans les livres. Pour François Paoletti, c’est dans les sorties à vélo, sur le bitume, là-même où s’est forgée la légende.  Sentir, ressentir l’expérience épaulée par l’héritage et le plaisir débridé. Alors il a conçu un événement hors normes, et totalement gratuit, les Classics Challenge Paris, qui cultive les valeurs du cyclisme tel qu’il le conçoit. Il s’agit, chaque mois à partir du 22 avril,  de «réaliser un parcours au départ de Paris en direction d’une ville distante et selon un itinéraire imposé Les itinéraires sont révélés d’un mois sur l’autre. Tous s’inspirent de courses existant ou ayant existé dans l’histoire du cyclisme. À l’arrivée, les membres gèrent eux-mêmes leur retour en train dans un esprit d’autonomie. » Liberté, gratuité, fraternité ? Un programme qui a notre adhésion.

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Roaditude – Le Classics Challenge revisite donc les routes des classiques historiques. Pourquoi cette volonté de s’inscrire dans ce patrimoine?
François Paoletti – La première course cycliste sur route, c’était Paris-Rouen en 1869. Le vélo a indéniablement une dimension patrimoniale très forte : quand on roule sur la route d’une classique, on roule sur le terrain où s’est inscrit l’histoire du sport. Pour moi, c’est de l’ordre de la transmission. Avec le vélo, sport moderne, il est possible d’établir un lien avec ce dont nous sommes les héritiers, une histoire qui vient de loin.

Vous proposez plusieurs itinéraires de courses mensuelles, qui peuvent être réalisés sans contraintes de temps. Pourquoi avoir choisi cette configuration ?
Pour se libérer des contraintes d’argent et de temps. J’avais envie de faire une proposition la plus ouverte possible. Un challenge par mois, révélé au fur et à mesure. Et puis des rendez-vous dans les mêmes conditions qu’un peloton, à cent. D’autres en petit comité. L’absence de contraintes de temps permet d’encourager les participants à s’auto-gérer dans leurs parcours en groupe, en mini-peloton, en week-end, à deux, trois ou tout seul… Il est aussi possible d’espacer les challenges ou de les regrouper, d’inviter des coureurs en cours d’année etc.

Des rendez-vous dans les mêmes conditions qu’un peloton, à cent.

Des rendez-vous dans les mêmes conditions qu’un peloton, à cent.

Vous parlez de challenge, pas de course ?
Il ne s’agit pas d’une course, même s’il y a des départs par sas horaire… Il faut que tout le monde puisse s’y retrouver en termes de rythmes, s’approprier le challenge, le plaisir du parcours, les objectifs personnels ou collectifs. Qu’un challenge soit réalisé en 22 ou 35 heures ou plus, pour moi ce n’est pas l’important. Il y aura toujours du défi, de l’émulation. L’important c’est de libérer au maximum l’expérience de la course, au sens littéraire du terme. Nous n’organisons ni ne récompensons la performance, libre à chacun de s’en saisir.

Comment en êtes vous arrivé à vouloir appliquer cette philosophie à un sport qui, même s’il est d’équipe, reflète dans l’imaginaire la performance individuelle du héros solitaire ?
C’est un composite de plein de choses… La culture de la sortie en vélo, surtout. Je voulais proposer une formule nouvelle qui s’en inspire, qui offre quelque chose de nouveau, dans l’air du temps… qui correspondent aux attentes en termes de mode de vie, de gratuité, d’esprit de communauté… Je voulais aussi casser la saisonnalité du vélo et esquisser une promesse : que cela devienne un élément de l’expérience touristique de Paris, dont le vélo fait partie intégrante du patrimoine et de l’histoire. Mais il n’y a pas de raison de ne pas dupliquer l’idée ailleurs qu’en France.

La culture de la sortie en vélo.

La culture de la sortie en vélo.

C’est cet aspect patrimonial qui vous a fait opté pour la gratuité ?
La réflexion était la suivante : un évènement payant présente un seuil psychologique. Si beaucoup de cyclistes sont près à mettre des sous pour un vélo, pour participer à un événement, ça peut être un frein. On rentre dans des considérations sur le rapport qualité/prix, l’évaluation des prestations, etc. Mon ambition était dès le départ d’explorer une voie nouvelle, moins rémunératrice sans doute, mais qui s’intègre mieux dans ce que j’ai envie de faire et défendre comme vision et comme expérience. Il a donc fallu construire les choses organiquement en fonction de ces paramètres là, trouver des partenaire pour facilité la gratuité que je voulais mettre en place.

Dans ce cadre-là, il a été important de créer une communauté autour de valeurs et d’expériences ?
Une relation communautaire, surtout, symbolisée par le hashtag #outsideisfree. Les communautés intéressent les marques, ce qui est intéressant dans un contexte de gratuité. Mais d’un autre côté, les communautés peuvent être méfiantes vis à vis des marques. C’était un tout nouveau modèle qu’il me fallait explorer, avec des marques qui accompagnent le cycliste sur la route, comme l’application Strava, bien connue des coureurs et des cyclistes.

Une relation communautaire, surtout, symbolisée par le hashtag #outsideisfree.

Une relation communautaire, surtout, symbolisée par le hashtag #outsideisfree.


Pour en savoir plus sur le Classics Challenge, visitez son site Internet.
Livre : François Paoletti et Foucauld Duchange, Monuments du cyclisme (préface de Marc Madiot), Tana éditions, 2017.

(Interview : Nicolas Bogaerts, Bruxelles, Belgique / Crédits photo : Tana éditions, Classics Challenge)