Carnet de la N7 (2/5) - De Montargis à Lapalisse

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 2000 ans d’histoire, 30 ans de légende » a l’habitude de dire Thierry Dubois, organisateur du rallye 100 Autos sur la Nationale 7. À bord de « Pamela », une Coccinelle ’66, l’équipage de Roaditude vous raconte ce périple de 6 jours sur la Route Bleue, de Paris à Menton.

Depuis Montargis, la caravane des 100 Autos a traversé ce matin les vallons de la sublime région du Loiret, où les vestiges des 17e-18e siècles côtoient ceux des Trente Glorieuses, quelque part entre Dumas et Antoine Blondin, pour le plus grand plaisir des yeux.

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Deux motards – A l’heure du départ, la pluie. Deux motards de la gendarmerie en long manteau de cuir et casque blanc d’époque, moustaches fournies, préparent leurs motos Terrot 500 pour accompagner le rallye et régler la circulation. Encadrement tactique du gendarme, pittoresque maréchaussée, les belles bacchantes veillent sur les Simca, Chambord et autres Citroën Traction qui grouillent d’impatience au moment de reprendre la route.

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Chez Chaouette – Aussi étrangement qu’indéniablement, un des plus grands charmes de la N7 réside dans ses lieux désertés, fermés pour cause inconnue…. Bar, relais, restaurants, hôtel ou motels fantômes, volets clos, jalonnent ça et là la route, comme des vestiges d’un temps dont la mémoire même semble enfermée derrière les volets clos. On suspecte l’abandon économique, la désertion du vacancier et du routier, qui privilégient désormais les axes rectilignes et automates.

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Relais des 200 Bornes – Il est en revanche un lieu qui survit à la fuite du temps et des usagers ingrats : le Relais des 200 Bornes, à Pouilly-sur-Loire, fait vivre l’ambiance des étapes bonhommes depuis sa réouverture, il y a moins d’un an. Nappes cirées, murs de bois et de crépis, pompes à essence d’époque dehors, le temps y est comme suspendu et tout est un peu dans son jus. Participants du rallye, Alain et Pascal, collent parfaitement à cette atmosphère à laquelle on trouverait volontiers un goût de pomme… A moins que ce ne soit plutôt de la betterave. En tout cas ni l’un à bord de sa Simca, ni l’autre de son Estafette, ne sont venus pour beurrer les sandwiches. Dehors, nous partageons la table de pique-nique avec Nadine et Michel, venus en 403 break rouge et un sens de la formule qui passe comme le saucisson aux baies de cassis après la Suze : « Je suis une Alsacienne et vous savez ce qu’on dit des Alsaciens ? Ce sont des Belges qui se sont perdus sur la route pour aller en Suisse. »

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Platane – A travers la Bourgogne, le Loiret, la Nièvre et jusqu’à Lapalisse, notre destination du jour, de longs tronçons sont bordés par ces platanes qui donnent son cachet si singulier aux routes de France. Aux abords de Mesves-sur-Loire ou en quittant la ville de Nevers (célèbre pour la botte imparable que son jeune duc créa, dit-on, sous Louis XV), les plus majestueux ont été plantés sous le règne de Napoléon III (c’est plus utile et moins salissant pour les mains que de fusiller des Communards). Ces arbres, très communs dans les villes de France pour l’ombrage qu’ils portent sur les allées, sculptent et scandent le paysage de la route Nationale 7, et lui donnant des jeux de lumières et d’ombres absolument féériques, tout en caressant les nuages.

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Archi – archéologie – De la même manière que les commerces abandonnées mériteraient qu’on écrive leur histoire, l’architecture urbaine qui s’exprime dans les silhouettes et les emplacements des stations services, des relais et des restaurants entre les années 50 et 70 mériterait qu’on lui donne une place dans la discipline archéologique. Derrière les ravages du temps, les enseignes arrachées ou repeintes, les modernisations parfois ratées, continuent à s’exprimer une vision du bâtiment qui ne se contente pas de son utilité ou de son attractivité visuelle, mais marie les deux avec bonheur.

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Publicités murales – En voie de disparition sur les Nationales françaises, les peintures publicitaires murales sont elles aussi un patrimoine culturel et visuel de première importance. Les qualités graphiques, les typos, les compositions d’images, les logotypes ont été créé en déployant une attention et une liberté de ton que beaucoup envient encore aujourd’hui. Elles ont imprimé durablement les rétines des passants de l’époque – et d’aujourd’hui.

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Christian – Le rallye des 100 autos attire sur le bord des routes toutes sortes d’aficionados ou de curieux. Mais également de grands connaisseurs de l’histoire automobile et de celle de leur région. Christian est de ceux-là. Assis sur le muret du pont de la Loire à Nevers, il est intarissable sur l’origine et la remise en forme de sa Renault 4 chevaux ainsi que sur l’histoire de sa ville, de son duc, et de la route bleue. Si nous sommes arrivés en retard à Lapalisse, c’est principalement parce que nous avons bu ses paroles de longues minutes, profitant d’un voyage dans le temps qui nous enivre encore à l’heure ou nous écrivons ces lignes.


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(Texte : Nicolas Bogaerts, Bruxelles, Belgique / Crédit photo : Marc Charmey)