La Suisse, berceau de Porsche ?

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Porsche fête cette année son 70e anniversaire. C’est en effet le 8 juin 1948 qu’a été homologuée la première Porsche, la 356/1-001. Moins d’un mois plus tard, le 3 juillet, elle est présentée à Berne, lors du Grand Prix de Suisse, où elle fait fureur. A l’occasion de ses 70 ans, la marque nous a conviés à un road trip en terres helvétiques. L’occasion de conduire quelques exemplaires mythiques du Musée Porsche, et de faire un peu d’histoire.

Des liens très étroits unissent Porsche à la Suisse. Ils remontent aux débuts de la firme qui, en 1948, se trouvait encore à Gmünd, en Autriche. C’est en effet grâce à un financier suisse, Rupprecht von Senger, que Porsche a pu construire ses premières voitures. Dans son autobiographie, Ferry Porsche, le fondateur de la marque, écrivait ce qui suit: «Un premier contrat fut signé avec Rupprecht von Senger. Il prévoyait la fourniture de pièces VW par Amag ( Ndlr: qui importait déjà les premières Coccinelle en Suisse; lire notre article) et des tôles d’aluminium provenant de Suisse.»

La toute première Porsche, la 356/1-001, a été présentée à Berne le 23 juillet 1948.

La toute première Porsche, la 356/1-001, a été présentée à Berne le 23 juillet 1948.

«Un second contrat, toujours avec Rupprecht von Senger», poursuit Ferry Porsche, «stipulait l’exportation de nos cinq premières voitures en Suisse. La 356/1-001 à moteur central et quatre coupés 356/2.» On relèvera à ce sujet que l’un de ces quatre coupés, celui dont le numéro de châssis est 356/2-004 est le seul à avoir survécu. Il appartient aujourd’hui à un collectionneur bâlois qui possède également la 356/2-003, une version cabriolet carrossée en 1949 par les frères Beutler à Thoune, dans le canton de Berne.

Les deux plus anciennes Porsche de série au monde, la 004 à gauche et la 003 à droite, exposées en 2011 à Bâle.

Les deux plus anciennes Porsche de série au monde, la 004 à gauche et la 003 à droite, exposées en 2011 à Bâle.

On rappellera que les six premiers cabriolets 356 sont estampillés «Swiss Made». Avec l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique (356 Roadster D’Ieteren), l’Italie (356 Carrera GTL Abarth) et la Finlande (plusieurs Boxster et Cayman ont été construits chez Valmet à Uusikaupunki jusqu’en 2012), la Suisse est l’un des six pays où ont été construites des Porsche.

Le Salon de Genève de 1949 a été le premier salon à accueillir des Porsche.

Le Salon de Genève de 1949 a été le premier salon à accueillir des Porsche.

Un autre lien étroit avec la Suisse est que le premier salon auquel Porsche participe est celui de Genève en 1949. Son représentant suisse, Bernhard Blank, y expose le coupé 356/2-001 et le cabriolet 356/2-001. Celui-ci est acheté par une Zurichoise, une certaine Jolanda Tschudi. La première personne à avoir acheté une Porsche est donc une femme!

Parmi les différentes voitures du Musée Porsche présentes à Flims, dans les Grisons, point de départ et d’arrivée de notre road trip qui nous a emmenés sur les cols du San Bernardino, du Gothard et de l’Oberalp, la Porsche 356 Speedster de 1955 est celle qui a rencontré le plus de succès. Ses rondeurs coquettement féminines et son petit moteur quatre cylindres capable d’accélérations de très bon aloi ne manquent pas de charme. A l’époque, il s’agissait d’une des voitures les plus rapides (160 km/h avec un moteur de 55 ch). Elle a d’ailleurs remporté de nombreuses courses et a séduit de nombreuses personnalités dont James Dean, Steve McQueen et le célèbre chef d’orchestre Herbert von Karajan.

Une 356 Speedster au sommet du col du San Bernardino.

Une 356 Speedster au sommet du col du San Bernardino.

Herbert von Karajan aimait mener ses voitures à la baguette et il a possédé de nombreuses Porsche. Outre une 356 Speedster, il a eu une Carrera Turbo, un modèle unique que possède aujourd’hui un collectionneur vaudois, une 959 et plusieurs Carrera RS. C’est justement la célèbre Carrera 2.7 RS de 1972 qui était la deuxième Porsche la plus demandée lors de ce road trip.



La Porsche 911 2.7 RS de 1972 avec son caractéristique aileron en “queue de canard”.

La Porsche 911 2.7 RS de 1972 avec son caractéristique aileron en “queue de canard”.

Avec son aileron arrière en queue de canard et ses 210 ch, la Porsche 911 2.7 RS était à l’époque une des voitures les plus performantes du marché (240 km/h). Construite en seulement 1525 exemplaires, elle vaut désormais plusieurs centaines de milliers de francs. Son prix de vente actuel dépasse largement celui de la 911 GT2 RS de 700 ch, la 911 de série la plus puissante et également la plus chère.

Une 911 GT2 RS dans les lacets du col du San Bernardino.

Une 911 GT2 RS dans les lacets du col du San Bernardino.

Les accélérations de la 911 GT2 RS sont en effet prodigieuses (de 0 à 100 km/h en 2,8 secondes). Sa tenue de route est irréprochable et ses freins en céramique ne prêtent le flanc à aucune critique. Et ce qui est fantastique avec ce véritable bolide homologué pour la route, c’est qu’il peut être conduit de façon tout à fait tranquille, par tout un chacun, avec sa boîte automatique PDK à double embrayage. Il s’agit là d’une des clés de la réussite de Porsche. Ferry Porsche a toujours veillé à ce que ses voitures puissent être utilisées la semaine pour aller au travail, et le week-end sur circuit.

Descente d’un col avec, en dernière position, la Porsche 911 GT2 RS.

Descente d’un col avec, en dernière position, la Porsche 911 GT2 RS.

Un autre point fort réside dans une relative discrétion. Une Porsche est en effet nettement moins ostentatoire qu’une Ferrari ou qu’une Lamborghini. Cette remarque ne vaut certes pas pour les 911 GT2 RS, GT3 et autres GT3 RS affublées d’énormes ailerons. Elle s’applique néanmoins à toutes les autres 911, à commencer par la toute nouvelle 911 Carrera T, un modèle qui dispose certes d’un châssis sport sans que sa ligne ne soit altérée par de voyants appendices aérodynamiques.

La toute nouvelle Porsche 911 Carrera T à l’entrée du village grison de Carrera.

La toute nouvelle Porsche 911 Carrera T à l’entrée du village grison de Carrera.

Seul un connaisseur remarquera du premier coup d’œil que la Carrera T n’est pas une 911 Carrera ordinaire. Et à propos de Carrera, sachez qu’un petit village grisons proche de Flims s’appelle justement Carrera. Et c’est au volant de la seule Carrera T disponible lors de notre road trip que nous nous y sommes rendus. Histoire d’immortaliser la Carrera T devant le panneau d’entrée de localité!

Sachez enfin que la longue histoire d’amour entre Porsche et la Suisse se traduit de façon éclatante dans les chiffres des ventes. La Confédération a longtemps été le pays qui a écoulé le plus de Porsche en Europe après l’Allemagne. Le premier contrat signé au Salon de Genève de 1951 entre le constructeur de Stuttgart-Zuffenhausen et l’importateur Amag prévoyait la vente de 50 Porsche 356 au 31 décembre. Amag en vendit 76!

La 1000e Porsche y a déjà été vendue en 1957, six ans seulement après la collaboration entre Porsche et Amag. Il s’agissait là d’un record exceptionnel et Ferry Porsche, le fondateur de la marque, s’était expressément déplacé à Schinznach-Bad, dans le canton d’Argovie, afin de remettre les clés à son heureux propriétaire!

La nouvelle 911 GT3 RS, une des 50’000 Porsche actuellement immatriculées en Suisse.

La nouvelle 911 GT3 RS, une des 50’000 Porsche actuellement immatriculées en Suisse.

Aujourd’hui, ce n’est pas en centaines, mais bien en milliers que se compte le nombre de Porsche vendues annuellement en Suisse. Et le record de vente de 2014 (2871 véhicules) a été battu en 2014 aussi bien qu’en 2015 et 2016 avec respectivement 3822 et 3970 exemplaires. A la fin du mois de septembre 2017, 50’574 Porsche étaient immatriculées en Suisse. Une belle preuve d’amour !


(Texte : Laurent Missbauer, Pont-la-Ville, Suisse / Crédits photos : Laurent Missbauer et Porsche)