A la recherche du rêve américain perdu

Stéphane Goin adore rouler sur les routes U.S., souvent un peu au hasard. Il est le témoin amoureux d’une Amérique qui n’existe presque plus, celle des fifties, du glamour, des belles bagnoles et des diners ou des motels un peu kitsch. Ses clichés, souvent référentiels, ne manquent pas de poésie et nous emmènent à la découverte de terrae incognitae, et ce à l’intérieur même de parcours très balisés, en apparence. Rencontre.

Roaditude – Stéphane Goin, pouvez-vous nous dire en quelques mots qui vous êtes, et quelles sont vos influences en photographie ?
Stéphane Goin – Publicitaire de formation, je travaille dans l’édition. Je parcours les U.S.A. depuis plus de quinze ans à la recherche du rêve américain perdu, en écho à une certaine idée que les occidentaux se font de ce pays dans la mémoire collective. C’est lors de tous mes voyages et de mes traversées des Etats-Unis que l’idée m’est venue d’établir ma propre carte des vestiges de ce passé. Mes influences sont : les photographes Robert Frank, William Eggleston, Stephen Shore, Jim Dow, mais également Bernard Plossu et René Burri. Et aussi le réalisateur Wim Wenders, ou tous les films noirs des années cinquante.

Vous passez beaucoup de temps aux Etats-Unis, où ont été prises la grande majorité de vos photographies. Comment procédez-vous pour trouver vos sujets ?
Effectivement je vais au minimum deux fois par an aux Etats-Unis. Je procéde toujours ainsi : je sélectionne un point de chute, un endroit où j’ai envie d’aller, et je définis un parcours théorique. J’ai ma date d’arrivée et celle de départ… Entre les deux, c’est l’aventure. L’essentiel, pour paraphraser Jack Kerouac, ce n’est pas l’arrivée mais tout ce qui va se passer entre le point A et le point B.

 D’où vous vient cette passion pour l’Americana, celle des années cinquante en particulier ?
C’est l’heure de gloire des Etats-Unis, celle d’une période rêvée pour les occidentaux. Tout y est : le glamour, la musique, les voitures. Adolescent, j’écoutais du rockabilly, avec ce fantasme de pouvoir un jour rouler sur les routes mythiques de ce continent. Je n’ai jamais lâché ce rêve que j’ai réalisé en parcourant tous les Etats jusqu’à maintenant, à l’exception de Hawaï.

L’Americana est une culture dont les motifs ont été montrés, disséqués voire rebattus sans cesse, au point d’être devenue un véritable cliché. Est-ce vraiment possible de renouveler ce style – presqu’un genre – si codifié?
« Rien dans mon voyage ne s’était déroulé jusque là comme prévu, ce qui prouve qu’au lieu de se contenter de lire des bouquins sur les Etats-Unis, il vaut bien mieux partir à l’aventure, je veux dire regarder et sentir le pays ». Je crois que j’ai pris au mot Jim Harrison qui écrit cette phrase dans Une odyssée américaine.

Votre travail le plus important à ce jour se nomme MAD(e)INUSA, pourquoi cette référence à la folie dans le titre ?
C’est mon obsession. En jouant sur les mots « mad » et « made », j’ai voulu accentuer ce besoin viscéral de découvrir et d’explorer tous les Etats de ce pays. J’assouvis totalement mon besoin d’espace et d’intensité. Rouler des heures et se retrouver seul dans un désert, ou se dire : « Ok, je suis à deux heures de route de ce diner, et si on allait y prendre un drink ? ». J’aime cette démesure. Ça me rassure.

Il est très rare de voir des humains ou de la vie sur vos clichés (hormis sur ceux des conventions mods ou rockabilly que vous couvrez), pourquoi ça ?
J’aime bien, quand je fais une photographie, que l’on ne puisse pas si facilement la dater. Certaines sont très récentes, mais en les regardant on peut se dire qu’elles auraient pu être prises dans les années soixante ou soixante-dix. Pour ce qui est des séries rockabilly ou mods, la composition est différente, car y intégrer des personnes permet de révéler totalement l’état d’esprit, le style vestimentaire faisant partie de l’ambiance.

Les Etats-Unis sont bien entendu célèbres pour leurs routes mythiques, la Route 66 en particulier. Quelle est votre route préférée, aux Etats-Unis ou ailleurs, et pourquoi ?
J’adore la 1, la 66 également – mais en partant de Chicago. Cela dit, je crois que la route que je préfére n’en est pas une, c’est une rue : Fremont Street à Las Vegas, on peut s’y balader à toute heure du jour et de la nuit. On y rencontre toujours quelqu’un pour discuter, quelqu’un qui vous expliquera l’histoire de tel ou tel motel… C’est mon musée à ciel ouvert.

 Vos projets artistiques pour le futur ?
Finir mon roadtrip en allant prochainement à Hawaï, mais aussi couvrir la Race of Gentlemen à Wildwood Crest (New Jersey), pour la partie Etats-Unis. Et puis approfondir les concentrations rockabilly avec la Race 61 en Allemagne… Et surtout le Hangar Rockin’ en Suisse… On s’y retrouve en juillet ?

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Pour en savoir plus, visitez le site de Stéphane Goin: http://stephanegoin.tumblr.com/

(Interview: Nicolas Metzler / Crédits photo: Stéphane Goin)